Paths of Glory - Stanley Kubrick_01
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(*) Scène finale entre Ziegler et Bill.
(**) Là aussi il faut attendre Full Metal Jacket et Eyes Wide Shut pour la perfection. Le cadre ne change pas certes, mais il ne s’agit pas seulement de bien cadrer un visage avec une bonne lumière, il s’agit aussi de ce qu’il y a dans le visage...
(***) « Le vocabulaire n'est pas, ne sera jamais vieux. C'est l'écriture qui peut dater. » (William Forsythe). Je n’arrive plus à trouver la source de cette phrase…
(****) Je citerai souvent cette phrase de Matthew Modine : « Stanley créait un environnement qui lui permettait de trouver ses films, de découvrir ce qu'étaient ses films »*. Matthew Modine, Feelin’ Film episode 95.1: Full Metal Jacket Diary with Matthew Modine & Adam Rackoff, 23/02/19
Après Breaking Bad, je montre enfin à Sarah les films de Stanley. Grand moment. C’est limite plus important que la semaine où mes parents ont rencontré Sarah pour la première fois. C’est aussi une bonne révision pour moi, mis à part Full Metal Jacket (1987) je ne les ai pas revus depuis Tripoli. On commence par Paths of Glory (1957).
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Je confirme : c’est vraiment le film de l’élève premier de la classe. 19/20 serait la note du bon professeur qui suit les règles. C’est ce que j’appelle une « œuvre conventionnelle de haut niveau ».
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En regardant l’évolution d’une artiste, je me pose toujours cette question : qu’est-ce qu’elle savait déjà faire dès le début et qu’est-ce qu’elle a acquis avec l’expérience ? Ce qui est évident avec Paths of Glory, c’est qu’il savait déjà très bien raconter une histoire. Tout est clair, fluide, réduit à l’essentiel. Dans mes souvenirs c’était déjà le cas avec ses deux premiers (et malgré cela médiocres) films : Killer’s Kiss (1955) et The Killing (1956). Stanley a le gène narrateur.
Il maîtrise très bien les rythmes. C’est remarquable et pas si fréquent, même chez des cinéastes de plus longue expérience. Les scènes et leurs enchaînements sont presque toutes bien dosées. Celle d’introduction, quatre minutes de dialogue à deux personnages, est brillante. La première fois que Kubrick fait danser le cinéma. Encore timide bien sûr, mais ça bouge. Il perfectionnera ce type de scène quarante ans plus tard dans Eyes Wide Shut (1999) (*).
Visuellement il est déjà au-dessus du lot. On voit des trucs qu’il réutilisera sans cesse, comme par exemple les portraits serrés, très simples et cinématographiques (**).
Mais donner vie à un film ne consiste pas seulement à faire de bonnes images, bien rythmées entre elles. Je le répéterai mille fois dans ce blog : ce n’est pas tellement dans le vocabulaire qu’on trouve les clefs d’une grande œuvre, mais surtout dans l’écriture (***). Si, dès Paths of Glory, certains éléments de vocabulaire sont maîtrisés par Kubrick, il lui faudra longtemps avant d'innover chaque recoin de l’écriture cinématographique.
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Ce qui ne danse pas trop par contre c’est le cerveau des personnages. Un peu trop statiques ces messieurs. Ils donnent l’impression de ne pas sortir de leurs lignes de conduite inscrites dans le scénario. C’est aussi Stanley qui donne l’impression de ne pas sortir du scénario. Une fois de plus, il reste sage, bon élève.
Les personnages ne sont pas mauvais, mais ils manquent de textures. Le colonel Dax (Kirk Douglas) est, je crois, un bon exemple. Pas très surprenant comme personnage… Un peu uniforme, trop « bon », non ? Après tout pourquoi pas, il en faut parfois dans une histoire, et puis il y a peut-être des gens comme ça dans la vie… Mais le problème c’est que tous les personnages ont ce manque de textures. Comme si Kubrick n’avait pas véritablement vécu avec eux. Comme s'il n’avait pas eu le temps de découvrir ce qu’ils ont de caché en eux, et que le scénario ne montre pas. Ils n’ont pas les innombrables plis de la réalité. En tant que metteur en scène, il n’était pas le génie improvisateur qu’il allait devenir. C’est bien sûr grâce aux contextes favorables à l’expérimentation artistique, dont il aura le privilège, que Kubrick pourra prendre le temps de découvrir ce que sont ses personnages (****). Il me semble que c'est à partir de A Clockwork Orange (1971) qu’il progresse à ce niveau-là. Mais il faut attendre Barry Lyndon (1975) pour atteindre un sommet.
Le film a une autre grande faiblesse je crois, c’est ce qu’il dit sur la guerre. Mais j’en parlerai plus tard. À suivre.
15 - 16.01.24 Izmir